Studio #0.5 : Encore elle!! (Katy Bowman)
On a fondé le Club de lecture pour des livres comme Movement Matters, des livres qui ont le potentiel de transformer notre vision du mouvement et d’améliorer notre vie. Si vous nous écoutez à radio renard, vous avez probablement entendu Marie-Claude nommer Katy Bowman des centaines de fois. On l’adore. On a quatre de ses livres à la maison. Et on attend ses suivants.
Voici nos trois idées coup de coeur pour le livre Movement Matters, accompagnées d’exemples concrets de notre quotidien (avec en prime les dessins de Marie-Claude).
Notes de l’épisode
Idée 1 : Le mouvement est essentiel.
« Grand motions and small gestures, huge physical feats and tiny triumphs can all offer experiences of accomplishment, self-efficacy, confidence, and glee. » (p.162)
De nos jours, l’activité physique est optionnelle
Katy Bowman s’intéresse dans Movement Matters à la place du mouvement dans la vie de l’humain. Avec la vie moderne, l’activité physique est souvent optionnelle. Quand on pense à “bouger plus”, on pense à l’exercice : une activité physique planifiée, structurée et répétitive, ayant comme objectif d'améliorer ou de maintenir la forme physique. On regarde notre calendrier et on espère honorer notre engagement d’aller au gym 2 à 3 fois par semaine (ce qui est déjà au-dessus de la norme). L’activité physique sous forme d’exercices sert aussi de thérapie, lorsque des blessures émergent. Katy Bowman explique que dans le cadre de son travail (elle est biomécanicienne), elle est souvent amenée à prescrire des exercices pour réaligner le corps et réduire des douleurs.
Avec les années, Katy a cependant réalisé que même des centaines d’exercices ne peuvent compenser une vie sédentaire. Katy conclue aujourd’hui que les exercices isolés sont l’équivalent de suppléments alimentaires. Ça peut compenser des carences temporairement, mais ça n’équivaut pas des aliments frais, non transformés et consommés quotidiennement. Elle fait d’ailleurs remarquer que si on a des carences en vitamine D, ce n’est pas pour avoir oublié de prendre des suppléments de vitamine D : L’une des réelles causes est un manque d’exposition au soleil parce qu’on passe nos vies à l’intérieur.
L’inertie finit par affaiblir notre corps : Ce qu’on n’utilise pas, on le perd.
L’activité physique est perçue comme étant optionnelle parce qu’on ne voit pas l’effet immédiat de notre inertie. Les répercussions d’une vie sédentaire s’étalent parfois sur plusieurs années. Katy Bowman insiste cependant que tôt ou tard, la sédentarité coûte cher. On paye le prix financièrement ou par notre qualité de vie (et souvent sans se rendre compte que nos problèmes de santé sont liés à un manque de mouvement).
Katy donne l’exemple du développement de notre mâchoire. Quand on pense à l’activité physique, on pense généralement à des mouvements amples ou intenses. On oublie les bienfaits de bouger toutes les parties de notre corps, de toutes les façons. La mâchoire est faite pour couper et broyer la nourriture. La mastication et la déglutition sont riches en mouvements. Elles impliquent les muscles de la langue, de la mâchoire, du visage et de la gorge, les dents et les os du crâne. Le travail pour notre mâchoire n’est pas le même si on mange des carottes fraiches entières (et bien croquantes) ou des carottes coupées en rondelles bien cuites (et molles). Si la nourriture est plus difficile à mâcher, le corps devient plus robuste pour la mâcher. Inversement, de la nourriture molle n’est pas aussi stimulante mécaniquement.
On a aujourd’hui accès à toutes sortes d'inventions pour simplifier nos repas (et ramollir notre nourriture) : Des moulins, mélangeurs, couteaux, râpes, poêles, fourneaux… La mastication de la nourriture est ainsi quotidiennement « sous-traitée » à des outils et des machines. La transformation alimentaire industrielle, ce n'est pas seulement la transformation chimique des aliments. C'est aussi la transformation mécanique.
La transformation mécanique des aliments réduit nos mouvements à nous. Si les muscles de notre mâchoire sont constamment sous stimulés, des problèmes de dentition peuvent s’en suivre (ex. notre palais ne se forme pas adéquatement et nos dents manquent d’espace). Ces problèmes de dentition sont souvent perçus comme étant causés par la génétique et nécessitant des chirurgies et des appareils orthodontiques. Mais certains problèmes dentaires sont liés à nos habitudes et pourraient être prévenus. [Nous avons d’ailleurs parlé de ce sujet avec l’enseignante en hygiène dentaire Vicky Potrzebowski à radio renard]. On vit avec la fausse impression que notre inertie n'a pas d'impact, pas de coûts. Mais les coûts sont déplacés en frais de dentisterie, d’orthodontie, d’orthophonie... L’humain moderne est dans un cercle vicieux où de nouvelles technologies sont inventées pour palier les impacts des technologies qui ont favorisé initialement notre inertie.
Pour s’épanouir, le mouvement est essentiel
L’exercice est certainement une forme de mouvement, mais ce serait une erreur de penser que c’est la seule forme de mouvement humain. Katy Bowman souligne qu’un grand nombre de mouvements qu’on fait chaque jour n'entrent pas dans la définition clinique de l'exercice. Comme on a divisé les aliments en glucides, protéines et gras, on a divisé le mouvement en cardio, force et flexibilité. Au lieu d'essayer de tracer une liste des « super aliments », Katy valorise les aliments entiers et naturels.
Katy amène ainsi le focus sur la qualité de nos mouvements, pas seulement sur la quantité. Les mouvements qu’elle qualifie de « nutritifs » sont des mouvements complexes, variés et harmonieux avec les autres et avec la nature. Des mouvements qui font bouger plusieurs membres ou tout le corps à la fois, plutôt que d’entraîner un muscle isolément.
Une source inépuisable d’exemples de mouvements nutritifs dans le livre Movement Matters concerne toutes les activités associées à notre alimentation. La valeur de la nourriture dépasse la valeur nutritionnelle. S’alimenter apporte des bénéfices mécaniques essentiels au bon développement du corps. On oublie que tout au long de son évolution, l’humain devait trouver et transformer lui-même sa nourriture, ce qui implique presque tous les mouvements dont on a besoin pour notre bien-être. La cueillette en forêt et la chasse, c’est marcher, squatter, courir, grimper, ramper, creuser, lancer, tirer, tenir, transporter… La préparation des repas implique ensuite une panoplie de petits mouvements moins « grandioses » mais tout aussi importants comme casser, écraser, déchirer, moudre, marteler, râper, frapper, étendre, suspendre, tremper, frotter, couper ou pétrir. Katy Bowman fait remarquer que ce sont nos actions, nos mouvements, qui permettent de transformer les items qu’on trouve en nourriture. Aujourd’hui, alors que des machines ou d’autres humains font le travail pour nous, on oublie tous les efforts nécessaires pour un simple repas.
Par de tels exemples, Katy Bowman rappelle tout au long de Movement Matters que notre corps et notre santé sont façonnés par tous nos mouvements, petits ou grands, répétés des milliers de fois, tout au long de notre vie. Même les athlètes spécialisés dans une discipline ou les travailleurs d’un métier manuel bénéficient d’une approche généraliste qui valorise les mouvements du quotidien et équilibre le corps.
La beauté de Movement Matters est aussi de mettre en lumière les bienfaits non physiques du mouvement. Au lieu de penser aux calories qu’on brûle, on doit penser à la qualité de ce qu’on mange et à l’effet de nos choix sur nous.
Les mouvements naturels permettent d’accomplir une tâche et d’obtenir les fruits de ses efforts (de la nourriture). Le mouvement offre aussi des expériences. Un exemple tout simple : Notre capacité à squatter nous permet de voir le monde sous un autre angle. Squatter permet de voir ce qui se trouve au sol. C’est un nouveau portrait sur toute la vie qui se trouve à ce niveau, comme les fleurs, les insectes, les champignons… La capacité de squatter ou de s’accroupir, c’est la capacité de vivre un moment avec un enfant qui nous montre ce qu’il voit en jouant, ce qu’il trouve en marchant en forêt.
Dans le même ordre d’idées, la marche permet aussi de connecter différemment avec ce qui nous entoure. Movement Matters commence par le témoignage d’un homme qui a découvert Katy Bowman grâce à un podcast. Il était à l’époque obèse et malade. Selon ses propres dires, il était alors insensible à ses propres maux parce qu’il préférait consommer à profusion, manger sans retenue et travailler sans arrêt pour une vie de luxe. La vision de Katy l’a inspiré à commencer à marcher pour se déplacer. Il écoutait de la musique et des podcasts pour se motiver. Avec le temps, la valeur pratique de la marche a fait place à la valeur récréative. Marcher est devenu agréable et il a retiré ses écouteurs pour écouter les bruits ambiants. La lenteur de la marche permet de voir le monde autrement. Le regard de l’homme s’est éventuellement porté sur les itinérants. Finalement exposé à la souffrance d’autrui, il a commencé à réfléchir à ses privilèges et au sens de sa vie. Touché, il a décidé d’aider les autres sur sa route en leur apportant de la nourriture durant ses marches. Marcher a été pour cet homme une façon de perdre du poids et de regagner sa santé. Mais c’était encore plus que ça. Il explique habilement que la marche lui a permis de devenir un participant actif dans le monde : « Cela m'a motivé à commencer à construire le monde dans lequel je voulais vivre. » Le mouvement crée de l'élan, de l'intérêt et de la confiance pour d'autres activités. Le mouvement est intimement lié à nos niveaux d'amour, de vulnérabilité et de bonheur.
C’est toute la beauté de la proposition de Katy Bowman : Le mouvement nous rend apte à agir sur notre propre vie et à se sentir connecté à notre communauté.
Pour une vie riche en mouvements
Pour tous ces bienfaits, Katy Bowman propose de ramener le mouvement au coeur de notre quotidien, plutôt que de le traiter comme un besoin périphérique. Elle propose véritablement une nouvelle façon de voir l’activité physique. Le paradigme de l’exercice adresse les façons de s’entraîner au moins une heure par jour. Katy nous invite à changer notre perspective pour regarder les 23 autres heures qui composent notre journée. L’objectif est de bouger tout au long de la journée, pas de délimiter nos mouvements dans une plage horaire restreinte. Le paradigme du mouvement appelle aussi à valoriser le mouvement sous toutes ses formes. Une vie remplie de mouvements est ce que Katy appelle une « vie riche en mouvements » (movement-rich life).
Ça implique de repenser notre style de vie. Ça peut sembler intimidant. La bonne nouvelle c’est que Katy offre une panoplie d’exemples de gestes simples à faire au quotidien. En fait, son approche valorise la simplicité, la diversité et la beauté des petites choses. Elle ne présente pas la solution ultime comme le retour à la vie des chasseurs-cueilleurs. Elle insiste plutôt sur l’importance de reconnecter avec des activités autrefois naturelles pour l’humain et de réduire notre usage perpétuel à des solutions modernes qui réduisent nos efforts au prix de supprimer les mouvements nourrissants de notre journée.
L’alimentation est présentée comme une bonne porte d'entrée pour faire une différence individuelle. On mange chaque jour, alors chaque journée comporte ses opportunités de mouvements. Katy offre plusieurs exemples de gestes quotidiens dans son livre, tels que : Remplacer des appareils électriques par des versions manuelles, faire le travail à la main (battre les blancs d'oeuf en meringue à l'ancienne, avec une fourchette), marcher à l'épicerie et transporter ses sacs, choisir des aliments moins transformés, faire un jardin, élever ses poules, manger dehors en été au lieu de sur-climatiser sa maison ou acheter des noix non écalées.
Dans notre vie
Katy a profondément transformé ce que « bouger » veut dire pour nous. Depuis qu’on a compris l’importance des petits mouvements quotidiens, on voit les opportunités partout. On marche maintenant tous les matins et partout en ville pour se déplacer, pour se relaxer, pour faire l’épicerie ou pour se donner de l’énergie. Durant nos marches, Vincent apprécie porter nos sacs pour augmenter ses efforts (et quand on trouve des items cool pour le jeu libre, on les apporte au Lion et la souris). Au lieu de voir ça comme une corvée, il voit ça comme une façon d’améliorer la force de ses mains et de son corps. Après tout, on paye pour aller lever des poids à un gym! Pourquoi pas saisir l’opportunité de se muscler dans les tâches quotidiennes? On montre plusieurs autres moments/mouvements de notre journée dans cet article.
Au quotidien, je valorise de plus en plus les activités manuelles. J’ai dédié 2020 à une année sans Netflix, au profit de loisirs physiques ou manuels comme la broderie et le jardinage. Je préfère maintenant manger mes fruits frais, entiers, plutôt que de faire des smoothies. Vince lui aime manger des carottes crues sans les couper. On prend plaisir à écraser notre sel, poivre et épices dans un mortier, chaque jour. Pour le plaisir, on a aussi essayé l’astuce de Katy d’acheter des noix non écalées. C’est vraiment plus amusant (et les noix de noyer du Québec sont vraiment dures alors prenez un marteau!! 🔨)
Sur la valeur du squat : Quand on joue avec des enfants, ce n’est qu’une question de temps avant qu’on soit amené à squatter ou à s’accroupir. Vince aime particulièrement adopter le squat comme position. Sur la photo ci-bas, on avait planifié faire des bulles dehors avec ma petite cousine et son frère. Plutôt, elle a trouvé une coccinelle et a passé les dix minutes suivantes à la regarder. Tout simplement. C’est mon plus beau souvenir de la journée.
Idée 2 : La nature est l’endroit par excellence pour stimuler le mouvement.
« We're animals who require nature who are living out of nature, and we are looking for a way to flourish in captivity. However, there is a difference between what a human requires and what it takes to keep from dying in captivity. » (p.170)
On a couvert avec la première idée que l’humain a besoin de milliers de mouvements pour être en pleine santé, mais que notre environnement actuel est dénué de mouvements nourrissants. Pourquoi bougeons-nous moins qu’avant? Spoiler alert : Ce n’est pas à cause d’un simple manque de motivation.
La vie moderne est une vie de confort
On remercie Katy Bowman de nous avoir fait prendre conscience d’une des causes fondamentales de la sédentarité humaine : La vie moderne est une vie de confort. L’humain est ingénieux. On a inventé toutes sortes d’objets et de technologies pour réduire nos efforts. Ce qui réduit du même coup nos mouvements. C’est inné en nous. On cherche constamment à limiter nos efforts pour conserver notre énergie. Dans la nature, l’énergie c’est précieux. Notre énergie on la gagne durement en trouvant et en transformant notre nourriture. Et on la dépense seulement pour des activités essentielles à notre survie : s’alimenter, s’abriter, se protéger, socialiser… Bien gérer nos ressources est une question de vie ou de mort.
On a si bien réussi à optimiser nos vies qu’on peut maintenant vivre sans même suer une goûte. Katy donne l’exemple tout simple de la manette à auto. Il y a aujourd’hui un objet qui nous permet de débarrer les portes de notre voiture sans même tourner le poignet. Anodin? En soi, ce n’est pas la fin de monde. Mais si on regarde autour de nous, on remarque les millions d’inventions qui simplifient notre vie, en retirant finalement tous les mouvements qui pourraient nous alimenter. Nos maisons sont conçues pour être confortables. Pas pour être stimulantes (normalement la stimulation est vécue à l’extérieur, mais on n’a plus besoin de bouger dehors pour vivre). Le divan est le roi dans la pièce maitresse de nos maisons : Normal d’avoir envie de s’asseoir dès qu’on arrive chez nous! On est programmés pour se reposer et nos espaces invitent l’inertie.
Le problème avec le confort, c’est que nos corps se forment en réponse à notre environnement. Sans stimulation, sans actions, sans défis, on ne peut pas se développer pleinement. Katy donne l’exemple des arbres, qui se forment en fonction de la force et de la direction du vent. S’il n’est jamais exposé au vent et aux aléas de la nature, un arbre est plus faible et fragile. C’est ce qui peut arriver aux arbres de pépinières réintroduits en nature, qui peinent à survivre en dehors d’un environnement contrôlé.
L’humain se forme aussi dans l’adversité. On devient plus fort et plus agile lorsqu’exposés à des situations stimulantes. De nos jours, grimper à un arbre est considéré dangereux. Katy insiste sur la nécessité de reconnaître que l’activité n’est pas dangereuse en soi. Ce qui est dangereux, c’est notre incapacité à grimper convenablement. On a perdu nos capacités physiques. On n’a plus l’agilité et l’expérience pour grimper à un arbre. Les Twa sont une tribu de chasseurs-cueilleurs de l’Uganda. Ils sont si habitués à grimper aux arbres que leurs chevilles ont une plus grande amplitude de mouvement que ce que la science considérait possible initialement pour un humain. Selon ses leçons d’anatomie, Katy avait appris que la cheville humaine plie en flexion dorsale (élever le pied vers le haut en direction du tibia) au maximum de 17 degrés, alors que les Twa atteignent plus de 45 degrés. Ils ont les mêmes os que nous. C’est leurs muscles qui se sont adaptés à leurs activités.
Changer le contexte du mouvement change l'effet sur notre corps. Une vie de facilité réduit notre résilience. La solution, donc, n’est pas de réduire notre exposition à tous les risques ou efforts perçus. La solution c’est de s’exposer à des contextes stimulants pour augmenter nos capacités physiques.
On vit en captivité
C’est en étudiant de plus en plus l’environnement de l’humain et son effet sur nous que Katy constate : On est physiquement séparé de notre habitat naturel. L’impact des écrans sur nos vies inquiète de plus en plus. On commence à questionner les effets de cet objet peu “naturel” sur notre santé. Pourtant, vivre à l’intérieur, constamment entre quatre murs, est rarement perçu comme une anomalie. Vivre à l’intérieur est une normalité pour nous. Mais on a besoin de nature pour vivre. L’humain a évolué “dehors”.
Encore une fois, Katy nous fait prendre conscience des problèmes liés à notre sédentarité : Si on est constamment à l’intérieur, on ne peut plus regarder à l’horizon de manière fréquente. Et c’est lié à des problèmes de myopie. Développer l'amplitude de mouvement de nos yeux requiert de regarder à toutes les distances. Comme pour les problèmes dentaires, on a tendance à considérer tous les problèmes de vision comme génétiques, sans se demander si certains d’entre eux sont influencés par notre style de vie. [Pour continuer la réflexion sur le lien entre regarder à l’horizon et la myopie, on vous invite à écouter cet extrait d’épisode. L’archéologue Martin Lominy observe justement que ses lunettes des neiges de style inuit diminuent sa myopie].
Katy réalise que notre déconnexion à la nature est encore plus profonde que cela. On s’est déconnecté de la nature mentalement autant que physiquement. À la question « Est-ce que les humains font partie de la nature? », on a tendance à définir la nature comme tout ce que contient l'univers... à l'exception des humains et des créations humaines. C’est une perception de la nature qui implique que les humains ne font pas partie du reste du monde et/ou qu'ils sont vraiment différents des autres espèces. Qu'ils opèrent à l'extérieur des lois de la nature, du système naturel. Mais on n’échappe pas aux lois naturelles.
Comme Katy le formule si bien : Quand on accepte que, comme tous les animaux, nous avons besoin d'eau fraîche, d'air, de nourriture et de mouvement, on reconnait qu'en ce moment, on vit en captivité. Et que les maladies dont on souffre sont des symptômes et non les problèmes. Nous sommes des animaux qui ont besoin de la nature pour vivre, mais on s’efforce de trouver des façons de croître en captivité.
Il manque de mouvement dans nos vies, alors on essaie de compenser avec les solutions conventionnellement reconnues par la société : des exercices et des technologies. Mais pour Katy, les exercices sont comme la nourriture transformée. Ce ne sont pas nécessairement les plus nourrissants, mais les plus faciles à produire dans notre culture sédentaire. On s’est auto-domestiqué. C’est-à-dire qu’on ne peut plus survivre sans l’usage massif de technologies.
La solution à notre confort moderne n’est pas seulement d’ajouter des entraînements à nos journées, mais de repenser nos environnements, notre relation à la nature et nos façons de vivre.
La nature est notre maison
Katy Bowman explique que la compréhension de ce lien entre notre environnement et notre santé est venu graduellement. En tant que biomécanicienne, elle est formée à l'application des lois de la mécanique au mouvement et à la structure du vivant. Elle confie que le focus durant ses études était davantage sur la portion “mécanique” que sur la portion “bio” de sa profession. En science (comme dans nos têtes), le mouvement humain était séparé de son contexte naturel. Pour comprendre un phénomène complexe, c’est normal de le décomposer en parties plus simples. Ainsi, les explications de la science sur "Comment bouge un humain" sont limitées à quelques parties du corps, dans quelques scénarios de mouvement. Par exemple, si Katy se faisait demander comment marcher, elle pouvait fournir des explications détaillées sur la mécanique « optimale » du pied, sur chacun des muscles et des enchaînements de mouvements.
Avec le temps, Katy a toutefois réalisé que pour bien comprendre le phénomène entier de la marche, elle devait considérer le mouvement en relation à son contexte, pas seulement étudier le micro-environnement du corps. Aujourd’hui, elle réalise qu’il n’y a pas de marche « optimale ». La bonne marche dépend de l’individu et du contexte dans lequel il se trouve. Marcher dehors et marcher sur un tapis roulant n’ont pas les mêmes propriétés. Katy se fait souvent demander ce qu’elle pense des tapis roulants. Les demandeurs espèrent généralement une réponse tranchée. C’est bon ou non? Elle préfère expliquer qu’un tapis roulant peu comporter ses bénéfices, mais qu’il est important de reconnaître que le tapis roulant est différent d’une marche en nature; une marche remplie d’obstacles, de sols variables, de stimulations sensorielles, de soleil et de compagnons de route.
Elle donne l’exemple de son jeune garçon qui commence à marcher. La largeur et la composition du sentier influencent comment il marche. Il peine à suivre une route large et plane. Il est indiscipliné, s’arrête à plusieurs reprises et limite les avancées de la famille. Toutefois, lorsqu’il se retrouve sur un sentier étroit et sinueux en forêt, il marche de manière constante et en criant de joie. Finalement, Katy conclue que son garçon n’était pas indiscipliné sur la route. Il s’ennuyait. Plus le sentier est facile (large, plat, sans débris), moins il y a de défis, moins il y a d'intérêt.
Katy pense de plus en plus comme une écologiste (l’écologie étant une branche de la biologie qui traite des relations des organismes entre eux et avec leur environnement physique). Ce qu’elle nomme l’écologie du mouvement est la manière dont un animal, dans ce cas-ci un humain, se déplace par rapport à d'autres humains, par rapport à d'autres espèces et par rapport à ses espaces physiques, son environnement ou son habitat.
Katy avise de faire attention à des modèles scientifiques basés sur des populations sédentaires ayant perdu leur mobilité et leur contact avec la nature. Elle explique qu’étudier les mouvements de manière isolée, c'est comme étudier les loups de façon indépendante dans un zoo : « Même si vous en étudiez 100 000, c'est un contexte artificiel qui ne représente pas les vastes possibilités de mouvements. »
Étudier le mouvement humain dans son contexte réel, c’est étudier des humains qui bougent fréquemment en nature. La nature est notre réelle maison. Depuis des millénaires, on bougeait sans avoir besoin de comprendre les phénomènes macro et microscopiques expliqués par la science. Nous avions une connaissance de la nature toujours combinée à des compétences : localiser de la nourriture dense en nutriments, fabriquer des vêtements et des souliers, des armes, des embarcations...
Bouger naturellement
La bonne nouvelle est que si notre environnement peut favoriser l’inertie, il peut aussi stimuler le mouvement. La nature est l’endroit par excellence pour bouger parce qu’il s’agit d’un environnement riche en stimulations et en opportunités de mouvements. On peut y faire une variété de mouvements “naturels” complexes, nourrissants à tout points de vue.
Quand Katy parle de se reconnecter à la nature, ce n’est pas seulement d’observer la nature dans des parcs nationaux ou d’étudier théoriquement les phénomènes naturels. C’est aussi d’expérimenter la nature, d’être en contact étroit avec elle. C’est pourquoi elle a inscrit ses enfants à une école en forêt. Elle marche aussi dehors pendant ses appels de travail, fait de la cueillette en famille, grimpe aux arbres et fait de la randonnée avec son mari en guise de rendez-vous romantiques.
Katy ne vit pas en plein bois dans une tente, mais elle teste les façons de bouger davantage « naturellement » dans une maison. Comme la majorité d’entre nous, elle vit dans une maison traditionnelle. Elle a réalisé que nos choses sont souvent une barrière physique au mouvement. Sans grands espaces, on ne peut bouger librement. Elle s'est donc débarrassé de son mobilier (chaises, divans, etc.) pour maximiser son espace et les opportunités de mouvement. Elle a aussi adopté la table basse pour manger en famille et travailler. Son lit massif a été remplacé par un futon de trois pouces d’épais qui peut être rangé facilement, donnant ainsi une pièce de plus pour bouger en journée. Le mobilier qui amène à s’asseoir ou à s’allonger fréquemment au sol sont autant d’opportunités de squatter. Ça multiplie les postures possibles, plutôt que de nous limiter à la position assise sur une chaise. [Pour voir à quoi la maison de Katy ressemble, elle offre une visite guidée dans cette vidéo]
Dans notre vie
Le changement majeur dans notre vie à nous depuis Movement Matters, c’est un changement d’attitude : Plutôt que de chercher constamment à maximiser notre confort, on cherche délibérément à ramener de l'effort dans nos journées. On perçoit maintenant que créer du mouvement, c’est un investissement. On le ressent de moins en moins comme une corvée.
On a repris beaucoup des idées de Katy pour repenser l’aménagement de notre appartement et nos choix de mobilier. Bye bye divan (même si je le trouvais si beau 💔), bonjour tapis douillet, table basse et bureaux assis-debout. Vous pouvez voir plusieurs autres exemples dans l’article Notre maison.
On cherche aussi les façons de se reconnecter à la nature, en ville. Marcher dehors tous les matins nous permet de voir les changements de saisons et de percevoir toutes les nuances de la météo. C’est magnifique d’entendre les sons feutrés de la ville après une tempête de neige. Ou de sentir l’odeur des feuilles mouillées après la pluie. Par -2 ou -30, on sort. Ce n’est pas toujours agréable quand on franchit le pas de la porte. Mais avec le temps, l’enthousiasme se construit. On a maintenant hâte à notre routine matinale. On marche aussi pieds nus autant que possible pour sentir le sol à la maison ou au parc.
On cherche aussi à ramener de la nature à l’intérieur. J’apprécie de plus en plus jardiner sur mon balcon et multiplier mes plantes.
Idée 3 : Bouger c’est bon pour la planète.
« You have a role in the ecosystem, and it's not a static position at the top of the food chain as you were taught. Your role is a dynamic one, critical to all the other living things on this planet. » (p.1)
Si Katy apporte des réflexions fascinantes sur l’effet de notre environnement sur nos mouvements, elle questionne aussi l’effet de nos mouvements sur l’environnement. De la question « Comment faire X mouvement dans Y situation? » Elle élargit la réflexion encore davantage à « Comment le mouvement fait-il partie de nos communautés et de notre planète? ».
Katy Bowman l’exprime clairement : Nos mouvements peuvent améliorer ou empirer l’état de la planète.
Si on ne bouge pas pour vivre, quelqu’un d’autre fait le travail pour nous
Le confort moderne nous permet de vivre sans réellement bouger. Mais si on ne bouge pas, ça signifie que quelqu’un d’autre, quelque part, a bougé pour nous. Quelqu’un a bougé pour rassembler les ingrédients, les transformer, les amener à notre porte (ou a travaillé sur la machinerie et les robots qui ont fait le travail). La chaîne de production est rendue si longue, que cet ouvrier est possiblement à l’autre bout de la planète. Et on oublie que ce travail se fait peut-être dans des conditions d’esclavage.
Si on revient à l’exemple de la manette à auto : C’est un simple objet qui, pour enlever tout effort physique, génère du plastique, des batteries, des emballages et toute une pollution autour de sa production et de sa gestion résiduelle. Même chose avec des millions d’autres objets, aussi simples soient-ils, comme les poches à thé. Pour s’éviter de racler un filtre en métal pour y retirer des feuilles infusées, on génère des poches jetables.
La sédentarité ne concerne pas seulement la détérioration de notre corps. La sédentarité est liée à la destruction de nos habitats naturels et aux mauvaises conditions de production. L'humain moderne est domestiqué, incapable de se reproduire et de survivre sans interventions technologiques et le travail d'autres humains pour du support à la vie. Katy rappelle que cette domestication coûte cher. Le rythme actuel est insoutenable. Plus notre corps est affaibli par l’usage de technologies, plus il a besoin de technologies pour compenser ses faiblesses (comme on l’a vu précédemment avec les appareils dentaires pour compenser une mâchoire sous développée).
Plus de mouvements = Moins de produits industriels et moins de consommation d’énergie
Sans s’éterniser sur une analyse des failles d’une culture de consommation, Katy Bowman fait rayonner l’idée que plus de mouvements = moins de produits industriels et moins de consommation d’énergie.
Faire l’effort soi-même, c’est consommer moins d’aliments transformés et d’objets suremballés. C’est moins de transport, moins d’outils énergivores. C’est meilleur pour nous et pour la planète.
Katy explique que depuis qu’elle valorise les interactions avec la nature et la vie sauvage, elle consomme moins, mange de manière plus consciente, dort davantage, utilise moins de combustibles fossiles, recycle et fait des choix de consommation mieux réfléchis.
Plus de mouvements = Plus d’amour
Par le mouvement, Katy a aussi redécouvert toute la valeur de la vie en communauté. Vitamine C (pour Communauté) : Le nom qu’elle donne à notre contact avec d’autres humains. On a évolué en petite communauté d'individus qui s'entraidaient pour la nourriture et le soin des enfants. On a besoin de communication, de toucher, de support. De nos jours, on pense souvent à la famille directe comme l'unité sociale, mais l'unité traditionnelle c'est un groupe de personnes - une communauté multigénérationnelle.
En ayant externalisé notre mouvement à d’autres personnes, on a réduit non seulement notre capacité à bouger, mais nos contacts avec une communauté immédiate. Et on réduit du même coup notre capacité à contribuer à cette communauté.
Notre besoin en Vitamine C, c’est un besoin d'appartenir à quelque chose de plus grand que nous et d'avoir quelque chose à apporter aux autres.
Une vie riche en mouvements, c’est une vie de plus grande proximité avec les gens qui nous entourent.
[Pour continuer la réflexion sur le lien entre nos mouvements, notre planète et notre communauté, on vous invite à écouter l’épisode de Karel Ledru. Ébéniste et fondateur du collectif de réparateur de meubles Les Gaspilleurs, Karel met de l’avant l’importance de réparer nos biens pour éviter le gaspillage et de réduire le degré de connexion entre nous et les personnes qui fabriquent nos choses.]
Stacking : une solution à des horaires chargés
Bouger de plusieurs façons, tout au long de la journée, peu sembler intimidant voir impossible pour plusieurs. Comment en ajouter quand le calendrier est déjà rempli à craquer?
Pour résoudre la situation, Katy nous invite à revoir notre perception de la gestion du temps. On perçoit souvent nos obligations en séquences, en moments fragmentés : Travail, temps en famille, exercice, jeu, apprentissage, communauté… Si on s’inspire de la nature, on voit que la nature ne fait rien de manière fragmentée. La nature accomplit plusieurs tâches à la fois.
Katy propose une approche de « permaculture » du mouvement, une stratégie de gestion du temps qu’elle appelle le « stacking ». C’est très différent du multitasking. Le multitasking consiste à faire plusieurs tâches en même temps. Pour moi, c’est écouter un podcast en cuisinant, en attendant que la laveuse finisse son cycle et en prenant des pauses pendant la cuisson des aliments pour passer le balais ou répondre à mes courriels. C’est de finir ma liste d’obligations le plus rapidement possible en créant des séquences de tâches élaborées.
Le stacking n'est pas d’accomplir plusieurs activités en même temps. C'est de répondre à plusieurs besoins par une seule activité. Katy donne l’exemple de la cueillette en nature avec ses enfants. C’est une activité qui répond à de multiples fonctions : Moment en famille, contact avec la nature, apprendre, se nourrir, interagir avec ses voisins, se déconnecter des écrans, réduire sa consommation industrielle et bouger - marcher, jouer, creuser, grimper, s'accroupir, porter une charge (les aliments trouvés).
Dans notre vie
Depuis qu’on a lu Movement Matters, on valorise encore davantage les solutions qui évitent la consommation inutile : On répare ce qui est brisé (finalement c’est mon père qui a réparé le blender! 🙈), on fabrique nous-mêmes certains items (comme des mouchoirs en tissu) et on flâne dans les friperies pour combler nos besoins par des items usagés. Quand on cuisine, on prend aussi plaisir à faire le geste manuellement au lieu d’acheter des outils supplémentaires. On presse nos agrumes à la main plutôt que d’acheter un presse-citron. On troque aussi les sachets de thé pour des filtres en métal et on marche pour remplir nos pots dans des boutiques de thé en vrac.
On perçoit aussi tous les bénéfices du stacking. Marcher chaque matin, c’est combler une panoplie de besoins en seulement 30-45 minutes. C’est briser l’inertie, gagner confiance en nos capacités, honorer nos engagements, passer du temps ensemble, prendre du soleil, découvrir le quartier, voir la nature, méditer, parler de nos projets d’affaires, générer des idées, regarder l’art urbain, découvrir des boîtes à livres, aérer notre cerveau, faire l’épicerie en chemin, socialiser avec les marchands, aller au café du coin où travaille notre ami et prendre des nouvelles de sa famille. Durant une de nos marches, on a même découvert un cerisier urbain!! 🍒
🔥 Bref…
Movement Matters redonne enfin un sens à nos mouvements : Bouger c’est être l’acteur de sa propre vie. Bouger nourrit notre corps, notre communauté et notre planète. Katy Bowman nous encourage à bouger différemment. Ce qui implique de vivre différemment. Le mouvement du corps implique le mouvement de nos pensées. Une fois que notre perception de l’activité physique change, on voit les opportunités de mouvements partout.