22 NOV : LE GUÉRISSEUR BLESSÉ
Bon vendredi!
Merci à toutes les personnes qui ont pris un moment pour m’écrire la semaine dernière.
C’est l’infolettre qui a suscité, à ma grande surprise, le plus de réactions.
C’est quasi impossible de prédire ce qui résonne avec les autres.
J’ai terminé d’écrire peu de temps avant d’aller me coucher.
J’y ai repensé toute la nuit.
La majorité des cas quand je “lance quelque chose dans l’univers” je me sens vulnérable et remets en question chacun de mes mots.
Je continue de me laisser guider par le conseil d’Hemingway :
1. Le guérisseur blessé
Idée : Dans une de ses entrevues (je ne me rappelle plus laquelle), le psychologue Peter A. Levine mentionne la notion de wounded healer.
Le soignant ou guérisseur blessé.
Je ne connaissais pas cette expression, mais ça résonnait déjà en moi.
Mon père m’a dit à quelques reprises que les psychologues sont aussi “fuckés” que les autres, qu’ils sont dans la profession pour se guérir eux-mêmes.
Je n’ai jamais ressenti le besoin de confirmer ou d’invalider cette hypothèse.
Je percevais que moi-même dans mon domaine, j’y étais délibérément pour adresser une problématique personnelle.
J’ai aimé l’expression du guérisseur blessé alors j’ai fait une classique recherche sur le web pour savoir si son origine était connue.
Je trouve l’histoire si belle, j’ai simplement envie de la partager.
La notion wounded healer a été popularisée par le psychiatre suisse Carl Jung, basée sur Chiron, un centaure de la mythologie grecque.
Chiron était un enseignant et un guérisseur reconnu pour sa sagesse.
Pendant une bataille, il est accidentellement touché par une flèche empoisonnée.
Il n’en meurt pas mais sa blessure incurable génère une douleur insupportable et persistante.
Les interprétations de l’histoire de Chiron sont riches et multiples.
L'une des idées importantes est qu'un thérapeute ou un soignant qui prend conscience de ses propres souffrances peut développer une empathie profonde, ce qui lui permet de mieux comprendre et accompagner les autres dans leur processus de guérison.
Action : Je réalise en écrivant cette infolettre qu’un réflexe courant est de vouloir cacher nos blessures.
On les voit comme des imperfections, des sources de honte.
N’est-ce pas fascinant de renverser notre narratif interne et de plutôt voir nos expériences difficiles comme une véritable force qui a le potentiel de nous lier sincèrement aux autres?
Ça devient alors intéressant de se demander quelle est cette blessure enfouie qui gagnerait à être mise en lumière?
2. Pour qui je le fais?
Idée : Au fil des ans, quand je me suis demandé “Pour qui je fais VIVACE?” ma réponse initiale était “Pour mes parents”.
Pour leur éviter une mort subite comme mes grands-pères ou une détérioration triste et lente comme mes grands-mères.
J’étais terrifiée à l’idée de les perdre d’une manière qui me semblait injustifiée, puisque ces conditions me semblaient curables.
Quand Marc-Aurèle est arrivé dans notre vie, on s’est dit “On le fait pour notre enfant”.
Je sentais que le faire pour des gens que j’aime était une quête assez personnelle.
Étrangement je n’arrivais pas à percevoir comment ma quête était personnelle dans le sens de “en lien directement avec moi ici et maintenant”.
Une de ces raisons est que je voyais ma blessure principale (l’anxiété) comme un trait de personnalité immuable, une défaillance personnelle inexplicable.
Une autre raison fondamentale est que je m’ancrais dans le domaine de la prévention, pas dans celui de la guérison.
Je ne percevais pas mon anxiété comme une maladie chronique, donc pas comme quelque chose qui se guérit.
Et puis la profondeur et l’étendue de mon anxiété me semblaient si embarrassantes, c’était sérieusement inimaginable d’en parler ouvertement.
Je suis reconnaissante que des années de recherche aient créé des craques dans mes croyances et m’aient finalement convaincue que la santé mentale c’est pas dans la tête et que la guérison a sa place dans mon modèle.
Action : J’ajoute ces nouvelles questions à mon kit de réflexion.
Pour qui je le fais?
Qu’est-ce que je cherche à guérir?
Comment me guérir moi-même peut aider d’autres personnes?
3. Guérir par le corps
Idée : Bessel van der Kolk, une référence mondiale sur la guérison des traumas, est repassé à un podcast que je suis alors que je venais de raviver son travail dans mon esprit.
On aime toutes ce genre de synchronicité non?
Il explique au Dr.Chatterjee que le trauma ne doit pas être considéré comme une histoire du passé.
Si on souffre d’un trauma en raison d’une expérience passée, ça a des effets concrets dans notre vie en ce moment même.
Le psychiatre spécifie que le titre de son livre “The Body Keeps the Score” ne veut pas simplement dire que le corps se souvient comme si c’était un souvenir intangible.
Au contraire le corps ressent encore, vit encore, ce qu’on a vécu.
Le trauma se manifeste concrètement dans nos tensions musculaires, notre posture, nos réactions, nos comportements.
Immédiatement j’ai senti la différence en moi.
Quand je vois le trauma comme un événement externe du passé, je me sens impuissante.
Comment changé ce qui est déjà arrivé dans un contexte où je ne me sentais pas en contrôle?
Quand je vois le trauma comme une expérience actuelle qui se manifeste non seulement dans mes émotions mais aussi dans mes actions, ça devient réel et beaucoup plus facile à adresser.
(Parenthèse : Je suis encore inconfortable d’utiliser le mot trauma pour moi-même. Ça me semble fort comme mot. Je sais que d’autres ont vécu pire. Mais bon, j’apprends à ne pas invalider ce que je ressens non plus. La majorité des intervenants dans le domaine prennent la peine de spécifier de ne pas se comparer, de ne pas hiérarchiser la souffrance, pour plutôt se concentrer sur l’empreinte de nos expériences difficiles sur nous.)
Action : Bessel van der Kolk propose que, puisque les traumas s’ancrent dans le corps, c’est par le corps qu’on peut libérer les tensions et faire place à une nouvelle perception de nous-même.
J’ai une liste d’approches thérapeutiques et de soins somatiques que j’aimerais essayer.
Je prends une pause de création d’une durée indéterminée pour accorder du temps à ces explorations personnelles.
La semaine prochaine ce sera la dernière infolettre de 2024 et le ralliement du Clan vivace de décembre sera le dernier ralliement de l’année.
On pensait annoncer la nouvelle série de podcast également, mais on patiente à 2025.
Je poursuis sur ce thème d’ici-là. 👇
Petites annonces
💚 Ralliement 16 du Clan vivace : Discussion en direct avec notre partenaire Laurence sur la guérison par le corps.
Lundi 9 décembre, 10h00. (plus de détails la semaine prochaine)
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Si le thème t’interpelle, tu aimeras aussi les discussions précédentes avec Charlotte Fortier d’Enfanter l’évolution et Malika Bonapace sur la guérison de trauma.
C’EST QUOI LE COURRIER?
C’est la première infolettre sur le design actif à la maison. Chaque vendredi, on partage trois idées qui ont inspiré trois actions. Un courriel qui se lit en trois minutes.